Lettre ouverte à Monsieur le Maire de Béthune

Monsieur le Maire,

Ce matin, comme chaque jour ouvré, je me rendais à pied à la gare, côté Cité des Cheminots. À la hauteur du chantier qui se situe au pied de la passerelle, je remarque, dans le caniveau, une tête de porcelet. Intrigué, je regarde autour de moi. Mon regard croise celui d’un ouvrier du chantier voisin, qui me sourit, un peu gêné ; il venait de la jeter par dessus la clôture du chantier. « Ils nous en jettent toutes les semaines, me dit-il. Au début, c’était tous les jours. Aujourd’hui c’est une tête de porcelet mais l’autre fois nous avons eu une tête de verrat. Une autre fois, c’était des oreilles accrochées à chaque piquet de la clôture. » Je lui demande si la police a été prévenue. Il me dit que la première fois oui mais que ça n’a rien changé. « C’est rien, ajoute-t-il, résigné, on a l’habitude. »

Monsieur le Maire, moi je n’ai pas l’habitude et je ne m’habituerai jamais à la bêtise, au racisme, ni à toutes les phobies qui agitent trop de nos contemporains. Encore moins à l’injustice. Vous ne m’empêcherez pas de penser que, s’il se fût agi d’un cadavre de corbeau dans une église catholique, par exemple, le scandale eût éclaté immédiatement, relayé par les médias régionaux, voire nationaux.

Je ne doute pas, Monsieur le Maire, que vous agirez au plus tôt pour dénoncer ces agissements ignobles, en empêcher la récidive et en punir les auteurs. Notre République, laïque, garantit la liberté de culte et de conscience ainsi que l’expression de ces libertés. La construction d’une mosquée à Béthune est ainsi entièrement conforme au droit. Je ne doute pas un instant que vous, Monsieur le Maire, officier de police judiciaire, représentant de l’État, vous ferez tout pour que ne se reproduisent pas des agissements qui ne déshonorent pas seulement leurs auteurs mais toute une communauté, dont je suis.

Renaud Silvestri

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