« Vivre dans son temps… »
Décidément la réouverture totale de la Grand Place de Béthune à la circulation automobile et sans délai au stationnement sauvage, ne laisse pas indifférent. Déjà en 2008, lorsque Stéphane Saint André avait remis en circulation un tronçon de celle-ci cédant à la pression de commerçants ; nous avions vivement réagi et lui avions fait savoir. Peu de temps après, une enquête d’opinion était réalisée dans le cadre de la Démocratie Participative. La sentence fut sans appel, majoritairement les réponses plébiscitaient une place piétonne, libérée des autos où il ferait bon se promener et laisser gambader les enfants en toute sécurité sans risque de les voir renversés par une voiture ou empoisonnés par les gaz d’échappement.
Aujourd’hui, à peine sortie des urnes, la nouvelle municipalité nous donne l’occasion d’assister à une nouvelle marche arrière, à un nouveau contre sens de l’Histoire, à rebours de l’évolution des comportements, des mentalités et des préoccupations exprimées ou ressenties par la majorité des occidentaux que nous sommes sur les questions d’environnement, de pollution et de santé. Sans parler d’urgence écologique et de réchauffement climatique, un des soucis majeurs aujourd’hui est de vivre mieux dans un monde moins pollué, plus respectueux de la planète, de ses ressources et de ses espèces, plus soucieux de préserver une santé malmenée ; agressée, abîmée par les gaz d’échappement, les pesticides, les perturbateurs endocriniens et bien d’autres poisons fabriqués par l’homme depuis quelques décennies sous prétexte d’apporter le bonheur et la prospérité à l’Humanité.
Par l’Organisation mondiale de la santé, nous savons maintenant que sont cancérigènes les particules fines émises par les moteurs diesel (60% du parc automobile français), émissions très agressives pour la santé surtout en ville où les véhicules roulent à une vitesse réduite ne permettant pas aux équipements, devant les rendre moins polluants, d’être efficaces. L’OMS ajoute d’autre part que les gaz d’échappement des moteurs-essence sont eux-mêmes probablement cancérigènes.
Il est de fait inconcevable de dissocier environnement et santé. La pollution a des conséquences profondes et souvent irréversibles sur l’état de santé et l’espérance de vie de nos concitoyens et surtout pour les plus fragiles d’entre eux. Des études méthodiques faites tant par l’Institut national de veille sanitaire que par l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement démontrent que même si ce sont les plus jeunes, les personnes âgées et celles fragilisées par une affection ou une maladie qui subissent de manière aiguë les pollutions atmosphériques ; il n’y a pas d’âge pour contracter une pathologie liée aux gaz d’échappement qu’elle soit respiratoire, cardiovasculaire, de nature allergique, aggravation du diabète ou de l’hypertension artérielle, cancers de différents types .
Plus de 10.000 décès par an sont imputables à cette pollution « urbaine », cet empoisonnement lent, sournois et invisible. Même « en bonne santé » inhaler les particules fines qui pénètrent profondément dans les poumons n’est pas un gage de sécurité, les symptômes n’apparaissant que plus tard. Ajoutons enfin que les ravages de la pollution atmosphérique engendrent des dépenses de santé considérables supportées en définitive par chacun de nous d’une manière ou d’une autre.
Aussi quand le Maire de Béthune décide que chaque Béthunois doit « vivre dans son temps… », il choisit de privilégier l’usage d’une automobile dévoreuse de temps, d’argent, d’espace, d’énergie et de santé. Choix qui dénote singulièrement un manque de vision dans l’avenir, un manque de pertinence de ce qu’il faut faire aujourd’hui pour mieux vivre demain ; un manque de cohérence dans un discours qui dit tout et son contraire, d’un côté prendre en compte les enjeux environnementaux et la nécessité de transition énergétique et de l’autre favoriser « l’auto » synonyme de gaspillage et d’individualisme.
Béthune, continue donc à marcher sur la tête et à tourner en rond autour de son beffroi ! Là ou d’autres collectivités locales, de droite comme de gauche, décident de transformer l’espace urbain en lieu de vie et de partage avec une mobilité sereine et intelligente, Béthune choisit de faire marche arrière et de tourner le dos au bon sens et à l’intelligence. « La voiture est une liberté, une mobilité » affirme Olivier Gacquerre, la mobilité n’est pas la liberté de s’imposer avec sa voiture dans l’espace urbain où le piéton est prioritaire. Les villes innovantes et durables qui « vivent dans leur temps » ont su associer les commerçants à leurs choix de mobilité urbaine. Piétonniser les espaces est particulièrement profitable aux chiffres de fréquentation et d’affaire des commerces. Ce sont les gens qui se promènent, qui marchent, qui flânent, qui circulent aisément sur un vélo qui est maniable et rapide en ville et qui stationnent sans difficultés dans un espace réduit qui font vivre et prospérer les commerçants. Les voitures, elles, restent à la périphérie des villes dans des parkings relais reliées aux zones de chalandises et d’activités par des navettes de faible capacité, « écologiques » et bien cadencées.
« Vivre dans son temps » ce n’est pas servir des intérêts particuliers,
fussent-ils louables car liées aux métiers du commerce,
au détriment de l’intérêt général, du bien être de chacun et de la santé de tous.